En octobre dernier, la Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, a dévoilé son projet de loi quinquennal qui imposerait un nouveau schéma d’organisation à l’échelle des départements.
Cette réforme annoncée de la carte judiciaire, rebaptisée « réseaux judiciaires », vise en réalité la création des tribunaux départementaux de première instance et la transformation de nombreuses juridictions, telles que le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Briey, en « chambres détachées » vidées de leur procédure, au détriment de la proximité de la justice avec le justiciable, du principe de l’inamovibilité des magistrats, et des conditions de travail de professionnels dont l’affectation géographique deviendrait flexible. Lors de sa session du 21 février dernier, le Conseil Municipal de la ville de Joeuf a voté à l’unanimité une motion pour le maintien du Tribunal de Grande Instance au Val de Briey.
Le TGI de Briey en danger
Bien que la Ministre assure qu’aucun lieu de Justice ne fermera, l’un des objectifs est bien de réduire le nombre de compétences judiciaires de certains tribunaux. Un tribunal tel que celui de Briey court ainsi le risque de voir son champ de compétences amoindri. Très concrètement, le prononcé des divorces, une partie du droit commercial et le droit bancaire seraient relocalisés à Nancy.
La disparition de certains pouvoirs du TGI affecterait une population déjà en difficulté. Une Justice de proximité, au même titre que l’école ou la mairie, constitue, pour les habitants, un interlocuteur local indispensable au bon déroulement de notre vie sociale et économique. Une distance entre le lieu où se dit le droit et les usagers conduira immanquablement ces derniers à se dessaisir de cet outil indispensable au bon fonctionnement de notre contrat social collectif.
Par ailleurs, la disparition de ces formes d’accompagnements judiciaires, administratifs et techniques de proximité sur un territoire à forte demande suscite l’inquiétude tant elle relève d’une stratégie d’économies contre-productives, dépourvue d’une vision à long terme. C’est une menace qui nourrit un fort sentiment d’insécurité, en particulier chez les greffiers, le personnel administratif et les contractuels, qui méritent tout notre respect.
Les caractéristiques du tribunal de Briey, comme des tribunaux d’instance en général, autorisent un travail d’équipe de tout le personnel judiciaire, greffe et magistrats, particulièrement efficient. Le TGI de Briey fonctionne bien, certifie Monsieur le Bâtonnier et propose des délais de traitement raisonnables. Cette juridiction de proximité assure au justiciable une saisine accessible de la justice avec un formalisme réduit et une décision rapide dans les différents contentieux de la vie quotidienne.
Vers la fin d’une justice de proximité
La Chancellerie s’engage dans une stratégie dangereuse en cherchant à faire des économies sur le compte des territoires. En restructurant la carte judiciaire au détriment de notre bassin, en éloignant ainsi la justice des justiciables, elle affaiblit les moyens de la Justice de notre département et porte un coup dur à la démocratie et au territoire, notamment à ses moyens de développement et à son attractivité.
Le maintien d’une justice de proximité est, à ce titre, indispensable à la vitalité des territoires, qui souffrent déjà injustement d’une carence toujours plus forte en matière de services publics. L’Etat est le garant de la cohésion sociale. Il doit permettre à nos territoires de vivre pleinement et d’être en capacité de développer leurs richesses humaines, sociales et économiques.
L’enjeu de cette réforme des réseaux judiciaires est donc de taille puisqu’il s’agit de garantir, ni plus ni moins, l’accès au droit et à la justice pour tous.
Considérant l’ensemble de ces éléments ;
Considérant que le déménagement de compétences du Tribunal de Grande Instance de Briey à Nancy va engendrer de réelles difficultés pour nos habitants, et particulièrement pour les personnes peu mobiles ;
Considérant que cette réforme de la carte judiciaire ne peut que contribuer à la dégradation des services publics de proximité auxquels les élus locaux sont attachés ;
Considérant qu’une bonne gestion de la Justice est intimement liée à la proximité entre les justiciables et les juridictions, et que celle-ci ne doit pas être sacrifiée au nom de seules raisons budgétaires ;
Considérant que la carte judiciaire, loin de répondre simplement à une logique de découpage purement administratif, doit faire écho aux spécificités des activités judiciaires et des besoins des justiciables ;
Le Conseil Municipal de Joeuf, à l’unanimité :
S’inquiète des conséquences de la fermeture d’une partie importante des services et pouvoirs du TGI de Briey, et de leur déménagement et de leur concentration à Nancy ;
S’interroge sur la prévalence de l’intérêt économique et stratégique d’une telle décision ;
S’interroge sur le devenir de l’accès des justiciables et de l’ensemble des personnes concernées, à ce service public de proximité ;
Rappelle les besoins en termes d’accompagnement pour la population de notre bassin et des alentours, notamment au regard des spécificités liées aux échanges socio-économiques transfrontaliers ;
Dénonce le fait que le gouvernement veuille modifier la carte judiciaire actuelle sans avoir, au préalable, mené à son terme et évalué la réforme de la première instance via une concertation qualifiée par les magistrats eux-mêmes « de pure façade » ;
Demande à Madame la Ministre de la Justice de bien vouloir prendre en considération ces éléments, ainsi que les problématiques quotidiennes des justiciables et des professionnels de la Justice, et de considérer que rien ne saurait justifier une remise en cause des compétences pleines et entières des juridictions actuelles, dont le TGI de Briey, pas plus qu’une modification de l’actuelle carte judiciaire qui maltraiterait nos territoires et étrillerait ceux qui y vivent.